« La Turquie est à un ou deux pas de normaliser ses rapports avec Israël », a déclaré aux médias le mardi dernier, Mevlüt Cavusoglu, ministre turc des Affaires étrangères. Les liens entre les deux pays sont gelés depuis l'an 2010, lorsque Ankara parraina une flottille pour la bande de Gaza - territoire géré par l'organisation terroriste, Hamas - dans une tentative de briser le blocus international imposé par Israël. Suite à l'abordage d'un des navires de la flottille par des commandos israéliens, une confrontation éclata qui culmina en dix morts.
À ce jour, la Turquie insiste à ce qu'Israël lève le siège. La question n'est pas facile à résoudre, mais est tout aussi épineuse que celle du soutien continu de la Turquie du groupe terroriste palestinien. Des rapports circulent depuis des années, révélant que la Turquie fournit de l'argent liquide au Hamas. Cette aide étant fournie en argent liquide au Hamas, rend sa documentation très difficile aux Israéliens. C'est la raison qui pousse Israël à se focaliser sur une autre demande : Le démantèlement du siège du Hamas à Istanbul.
En Août 2014, le siège du Hamas en Turquie faisait la une dans les news, lors de l'annonce de Saleh Arouri, chef militaire exilé du Hamas, que son groupe était derrière l'enlèvement et le meurtre des trois adolescents israéliens en Cisjordanie. Cette opération a culbuté en une épuisante guerre de 51 jours entre Israël et le Hamas. Arouri diffusait sa révélation à Istanbul, devant une grande foule comprenant des officiels turcs de haut niveau.
L'accent mis sur Arouri, ainsi que l'impact du fait que ce dernier siège au cœur même d'un pays membre de l'OTAN, força le Trésor américain en Septembre 2015, à désigner Arouri comme terroriste. Selon les récits des médias, le dirigeant du Hamas a ensuite été déporté en Décembre 2015, mais son départ de la Turquie aurait pu se produire beaucoup plus tôt.
Alors qu'Arouri était désigné comme le membre le plus éminent du Hamas à trouver un abri à Istanbul, beaucoup d'autres hauts responsables du Hamas y sont demeurés. Et leur expulsion de la Turquie semble être au cœur des exigences d'Israël alors que les négociations pour un rapprochement sont à leur étape finale.
Selon le journal koweïtien al-Seyassah, s'y trouve aussi, une figure telle que Bakri Hanifa, dispositif financier majeur du Hamas. Le document de 2014 notait que Hanifa avait transféré « des dizaines de millions de dollars » du Qatar en Turquie avant d'être dépêché aux ailes politique et militaire du Hamas. Hanifa aurait fait des échanges d'argent en Syrie, où le Hamas a son siège social, avant que la guerre civile ne le contraigne à se trouver d'autres bases d'opération. Aujourd'hui, il possède au moins une entreprise spécialisée dans les métaux précieux, les diamants et les pierres précieuses à Istanbul.
Une autre figure non moins importante du Hamas, toujours localisée à Istanbul est Maher Ubeid. Il est membre du bureau politique du Hamas depuis 2010, et est désormais en charge de la gestion des relations internationales du Hamas. Les rapports suggèrent qu'il est aussi un dispositif financier important pour le groupe. Selon le site 'the Hamas', Ubeid a été parmi les 415 membres du Hamas en exil en 1992. Ce groupe a continué à former le noyau de la direction du Hamas depuis son retour. Au cours des dernières années, Ubeid a pris part aux délégations à haut profil du Hamas en Iran et en Malaisie.
Et il n'y a pas que les types financiers et politiques du Hamas qui siègent à Istanbul. Beaucoup ont du sang sur leurs mains.
Mahmoud Attoun du Hamas par exemple, a été reconnu coupable de l'enlèvement et assassinat de Nissim Toledano, un jeune homme israélien âgé de 29 ans. Après son arrestation, Attoun a admis son implication dans d'autres opérations terroristes. Il a été libéré et renvoyé en Turquie dans le cadre d'un échange de prisonniers (Gilad Shalit) en 2011. De son perchoir à Istanbul, Attoun est depuis devenu un personnage public, donnant des discours et faisant des apparences télévisées pour louer les vertus du Hamas.
Majed Hassan Ragheb Abu Qteish est un autre membre du Hamas qui a fait de la Turquie sa demeure. Lui aussi fut impliqué dans l'assassiner de Toledano. Exilé en Turquie en 2011 avec d'autres, il est également devenu une personnalité publique.
Qteish et Attoun furent rejoints par Musa Muhammad Daud Akari, qui a également pris part à l'assassinat de Toledano. Sur YouTube, on peut le voir se vanter de son rôle dans l'assassinat du jeune juif.
Puis il y a aussi Taysir Suleiman, condamné à la prison à vie pour l'assassinat en 1993 d'un soldat israélien avant d'obtenir son billet pour Istanbul en 2011.
Fahed Sabri barhane al-Shaludi est accusé d'appartenir à la même cellule que Taysir Suleiman du Hamas. Il a fait au moins une apparition à la télévision turque.
La Turquie abrite également Walid Zakariya Abd al-Hadi Aqel, un membre fondateur des Brigades Qassam. Il a reçu 21 condamnations à perpétuité en Israël pour un large éventail d'activités terroristes avant d'être exilé en Turquie.
Harun Mansur Ya'aqub Nasser al-Din est un autre membre des brigades Izzeldine al-Qassam. Il admet ouvertement avoir tué des soldats israéliens. Dans une interview après sa libération, Nasser al-Din se vantait que la Turquie accorde aux prisonniers libérés pleine liberté d'aller et venir à leur guise.
Enfin, il y a Ayman Muhammad Abd al-Rahim Abu Khalil, condamné à trois peines à perpétuité pour une variété d'activités terroristes. Abu Khalil semble maintenant posséder un passeport turc après avoir été naturalisé.
Ce ne sont là qu'une dizaine des membres du Hamas qui apparemment se trouvent en Turquie. Il y a une poignée de plus facilement identifiée dans la presse arabe et turque, et presque tous possèdent leurs profils sur Facebook et Twitter, où ils postent régulièrement des mises à jour sur leur vie en Turquie.
Le Hamas certes, n'a pas été proscrit comme un groupe terroriste en Turquie. En outre, beaucoup de ces membres ont été envoyés à la Turquie dans le cadre d'un échange de prisonniers. Mais cela ne justifie pas que la Turquie ignore ou ferme sciemment les yeux sur leurs activités en faveur du Hamas. En effet, il n'est guère difficile de constater pourquoi Israël fait de leur éviction l'une de ses principales revendications. Tant que cette cellule d'activistes du Hamas continue à opérer à la lumière du jour, Israël considère la Turquie comme un État soutenant le terrorisme. Les pays occidentaux qui maintiennent une interdiction du Hamas voient aussi sous une lumière peu flatteuse la Turquie.
Si les deux côtés veulent résoudre leur problème, Ankara aura une occasion de rétablir ses liens avec un acteur régional puissant. Plus important encore, Ankara pourra restaurer son image internationale en faisant une démarche qui est tout à fait dans son propre intérêt.