EN HÉBERGEANT LE HAMAS, LE QATAR CAMOUFLE LA TERREUR
par Jonathan Schanzer
Newsweek
11 mai 2017
https://schanzer.pundicity.com/19898/en-hebergeant-le-hamas-le-qatar-camoufle-la
Traduction du texte original: By Hosting Hamas, Qatar is Whitewashing Terror
Adaptation française: Thérèse Zrihen-Dvir
Après avoir été expulsés des deux premiers hôtels du Qatar suite aux violations des lois américaines sur les sanctions contre le terrorisme, les dirigeants du Hamas ont tenu une conférence de presse la semaine dernière au Grand Hôtel Sheraton de Doha pour annoncer la publication d'un nouveau document politique. Le document, promu comme une version plus modérée de la charte fondatrice du groupe, n'est ni une nouvelle charte, ni une modération. Le Hamas demeure ancré dans la violence en tant que stratégie. Mais l'ensemble de l'épisode sert à mettre en évidence un problème persistant : le Qatar, nominalement un allié américain, participe régulièrement au camouflage des organisations terroristes.
Doha est la base de nombreuses figures du Hamas. En 2012, le pays avait accueilli Khaled Meshaal, chef politique du Hamas, après que ce dernier ne supportait plus l'assassinat par le régime d'Assad des sunnites et des Palestiniens, culminant en la fermeture des bureaux du Hamas à Damas. Accompagné d'un groupe d'aides, le nouveau chef politique, Ismail Haniyeh, se rend actuellement à Doha depuis Gaza. Lorsque le chef militaire du Hamas, Salah al-Arouri, a été forcé de quitter la Turquie après avoir planifié l'enlèvement des trois adolescents israéliens, qui déclencha la guerre de 2014 entre Israël et le Hamas, al-Arouri a fait de Doha sa nouvelle demeure en 2015. Ezzat al-Rishq, le porte-parole du Hamas, appelle le Qatar « sa maison ». Poursuivons.
Le Qatar est également le guichet automatique du Hamas. En 2012, l'ancien Emir du Qatar Hamad bin Khalifa Al Thani s'était rendu à Gaza et avait promis 400 millions de dollars au gouvernement du Hamas. Après la guerre de 2014, (plus que toute autre nation), le Qatar avait garanti le transfert de plusieurs milliards de dollars sur une étendue de plusieurs années, pour la reconstruction de Gaza. Le Hamas aurait utilisé ces fonds pour rebâtir son réseau de tunnels terroristes.
Jusque-là, moins de la moitié du gage de milliards de dollars du Qatar a été versée. Mais plus tôt cette année, Haniyeh avait annoncé que le nouvel émir du Qatar, Tamim bin Hamad Al Thani, paierait 100 millions de dollars à la bande de Gaza contrôlée par le Hamas en 2017. Le Qatar est aussi intervenu et a fourni au Hamas 12 millions de dollars pour l'achat de carburant, lors de la crise d'énergie, résultant d'une récente querelle entre le Hamas et l'Autorité palestinienne qui engendra des protestations contre le Hamas dans la bande de Gaza.
Bref, le Qatar ne tolère pas simplement le Hamas : Il sert de patron financier et politique au groupe. Et maintenant, il est le conseiller en marketing du Hamas. Les empreintes digitales de Doha sont visibles sur la tentative de changement de stratégie véhiculée par le document politique que le Hamas a publié la semaine dernière au Sheraton à Doha. On peut s'attendre à ce que le Hamas soit repositionné hors du Qatar dans les jours et les semaines à venir.
Mais le Hamas n'est pas le premier groupe terroriste que le Qatar a aidé à se rebrancher. Lorsque le Front Nusra avait annoncé sa «séparation» d'Al-Qaeda en 2016, il suivait la demande du Qatar, qui lui avait promis de multiplier son financement. Cela eut lieu avec la bénédiction du leadership d'Al-Qaeda et n'impliquait qu'un peu plus d'un changement de nom et une revendication faite par les dirigeants de Nusra qu'ils n'avaient plus de «relation avec un parti étranger».
Le Qatar a pris l'initiative de promouvoir le soi-disant split, diffusant deux longues interviews sur son réseau d'État Al-Jazeera avec Abu Mohamed al-Jolani, chef de Nusra. Révélant son visage aux médias pour la première fois, Jolani avait longuement parlé de l'indépendance et de la modération de Nusra, sous le couvert du nouveau groupe, connu sous le nom de Jabhat Fateh al-Sham.
Bien sûr, il n'a pas renoncé à son serment de fidélité à Al-Qaeda ni n'a renié son idéologie. Et, alors que le leadership d'Al-Qaïda se relocalise de plus en plus en Syrie, le nouveau groupe de Jolani peut travailler avec eux tout en rejetant l'influence «étrangère», fournissant une mesure de couverture pour le Qatar, qui gagne le groupe en Syrie.
Les talibans bénéficient également des opérations de blanchiment du Qatar. En 2013, lorsque les talibans avaient décidé d'ouvrir leur première «ambassade», ils l'avaient fait à Doha. C'était un endroit idéal car un grand nombre de dirigeants talibans y vivaient déjà. Suite aux protestations du gouvernement afghan, l'ambassade fut fermée.
En 2015, les hauts responsables des talibans s'étaient rendus à Doha pour négocier l'échange entre le sgt américain, Bowe Bergdahl et les cinq célèbres Talibans, prisonniers de haut niveau à Guantanamo Bay. Aujourd'hui, les cinq Talibans vivent luxueusement (mais sous l'interdiction de voyager) à Doha. Les Qataris auraient payé pour les résidences somptueuses des dirigeants talibans, alors que les responsables des États-Unis les rencontraient tranquillement à Doha, depuis octobre 2016.
Plus amplement, dans un récent rapport de notre collègue David Weinberg, le Qatar n'a pas été en mesure de nommer « une seule instance spécifique d'inculpation du Qatar, condamnant et emprisonnant un individu désigné par les États-Unis ou l'U.N.» En d'autres termes, les terroristes errent dans ce petit coin du Moyen-Orient. Dans certains cas, le gouvernement essaie activement de les aider à se rebrancher. Dans d'autres, le gouvernement ferme simplement les yeux sur leurs activités.
Tout cela est plutôt choquant à la lumière du fait que les USA continuent à considérer le Qatar comme un allié. Il faut noter que très peu, d'un côté comme de l'autre, appellent cela une alliance forgée sur des valeurs communes. Il s'agit d'une relation transactionnelle, basée sur l'accord du Qatar accordé aux militaires américains d'exploiter Al Udeid, base aérienne de grande envergure, devenue cruciale pour les opérations USA au Moyen-Orient contre l'ISIS, Al-Qaeda et d'autres groupes terroristes.
Thèmes connexes: Al-Qaeda, Hamas, Qatar, Terror Finance, Terrorism, U.S. Foreign Policy
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