Il s'avère que Trump n'est, en fait, pas prêt à « réduire l'accord en mille morceaux ». En le discréditant, le président et ses conseillers annoncent en effet, leur intention de le renforcer, avec l'aide du Congrès, afin que cet accord puisse préserver les intérêts de sécurité nationale des États-Unis. Ces intérêts sont des critères clés pour le processus de certification qui se déroule tous les 90 jours, conformément à la Loi de révision de l'accord nucléaire iranien (INARA) de 2015. À l'heure actuelle, les Iraniens empêchent l'inspection des sites militaires, travaillent fébrilement sur leur programme de missiles, misant sur le terme des clauses de l'accord nucléaire qui garantissent à Téhéran un programme nucléaire moderne dans une dizaine d'années. Il est difficile de soutenir que l'accord fonctionne en faveur des États-Unis.
Le « discrédit » a le potentiel de changer tout cela. La démarche plongera l'Iran et les autres parties impliquées dans l'accord nucléaire dans un état d'incertitude. Initiative qui incitera toutes les parties à se pencher sur ce que l'accord leur rapporte et sur les compromis possibles qui répondraient aux intérêts nationaux des États-Unis, comme l'a expliqué l'Administration de Trump.
Sous le président Barack Obama, dont l'héritage en politique étrangère est ancré dans l'accord nucléaire, la promesse de « reporter » (et non d'empêcher) les ambitions nucléaires de l'Iran remplace tout le reste. En conséquence, la crainte d'un retrait de l'Iran paralysait Washington et empêchait la Maison Blanche d'Obama de faire même de proférer des demandes raisonnables à Téhéran. La menace crédible d'une réponse des États-Unis à l'agression iranienne était effectivement hors de la table. Il en a été de même pour l'imposition de nouvelles sanctions significatives.
L'annonce de la « disqualification » à venir est l'occasion de briser cette paralysie. Trump est en train de confirmer à Téhéran qu'il définit les termes de l'accord nucléaire, n'étant nullement lié à son succès comme l'était Obama. L'administration aura alors l'occasion de tracer sa propre politique iranienne. Alors que la période de révision de l'INARA s'étend sur 60 jours, Trump peut reprendre le contrôle des États-Unis, établir de nouvelles lignes rouges sur le comportement iranien et, à la différence de son prédécesseur, les appliquer. S'il l'accomplit convenablement, il peut le poursuivre sans devoir quitter les accords.
En réponse à la disqualification, les dirigeants iraniens menaceront sans aucun doute, de quitter la table. Mais ce n'est pas aussi simple. Au-delà des 100 milliards de dollars de fonds pétroliers libérés, les Iraniens ont encore des avantages à tirer de l'accord, allant de l'augmentation des investissements étrangers à une plus grande intégration à l'économie mondiale après des années d'isolement économique. En d'autres termes, l'Iran peut encore se remplir les poches considérablement, mais pas en rechignant aux appels de Trump de rectifier l'accord.
Les Européens, les Russes et les Chinois, sont également réticents à suivre la manœuvre de certification de Trump. Certains sont déjà en train de hurler leur désapprobation. D'autres expriment leur volonté de travailler avec la Maison Blanche. En tant que principaux investisseurs dans le récent rebond économique de l'Iran, ils n'ont d'autre choix que d'essayer de résoudre les problèmes américains.
Bien sûr, même les Chinois, les Russes et les Européens comprennent qu'ils ont une tâche ardue devant eux. L'Iran est sur le point d'entrer en collision avec l'Occident, ce qui n'a rien à voir avec le dossier nucléaire. Il s'agit plutôt de ce que les négociateurs de l'accord nucléaire ont choisi d'ignorer : l'agression iranienne à travers le Moyen-Orient.
L'Iran a jusque-là harcelé des navires américains dans le golfe Persique, tenu des marins américains sous la menace des armes, financé le régime meurtrier d'Assad en Syrie, soutenu les rebelles houthis au Yémen et fourni la majorité du budget de fonctionnement du Hezbollah. Et ce ne sont là que quelques-uns des faits saillants.
Les efforts plus importants de Téhéran afin de dominer le Moyen-Orient s'intensifient en parallèle. Depuis le déploiement de son Corps des gardiens de la Révolution aux coins les plus éloignés de la région jusqu'à la conscription de procurations irrégulières chiites pour combattre ou tenir des territoires en Syrie et en Irak, l'empreinte iranienne continue de croître.
Pour les décideurs américains, la candidature de l'Iran à l'hégémonie régionale est aussi troublante que ses ambitions nucléaires. Ensemble, elles représentent une double stratégie iranienne qui ne peut pas être disjointe du nucléaire en dépit des efforts du P5 + 1 en 2015. C'est pourquoi Trump devrait se baser sur son annonce de disqualification avec la mise en œuvre d'une nouvelle politique iranienne qui lutte activement contre ces activités.
En l'occurrence, le timing est fortuit. L'administration est susceptible de parachever sl révision de sa politique envers l'Iran et de l'implémenter d'ici le 31 octobre. Si la politique est à la hauteur des conseils laissés par les hauts fonctionnaires, les États-Unis vont une fois de plus repousser les agissements malveillants iraniens. Si la manœuvre est parfaitement accomplie, elle le sera poursuivie dans la mesure du possible, en faisant usage de tous les points de pression disponibles.
Une telle politique consisterait à désigner les gardiens de la révolution en tant que groupe terroriste (un acte prévu par la loi au 31 octobre), mais aussi de nouvelles tranches de sanctions du Trésor sur les mauvais acteurs iraniens et d'autres pressions économiques. Les objectifs financiers ne sont pas de nature nucléaire, afin de s'assurer que les États-Unis restent conformes à l'accord sur le nucléaire. Mais la pression devrait être palpable.
De là, Washington devrait aussi cibler activement le Hezbollah, le représentant le plus puissant et le plus actif de l'Iran. L'administration Trump et le Congrès ont déjà signalé qu'ils vont viser les intérêts économiques du Hezbollah, tout en affaiblissant ses positions à travers le Moyen-Orient.
Au-delà de cela, Washington peut prendre de nouvelles mesures pour renforcer les alliés de l'Amérique, tels que les États arabes sunnites et Israël, qui sont également prêts à contester l'agression iranienne. Cela pourrait signifier un plus grand partage des renseignements et une coopération bilatérale, mais pourrait aussi inclure de nouvelles capacités matérielles et militaires. Plus largement, les États-Unis doivent signaler que les menaces iraniennes contre leurs alliés seront considérées comme des menaces contre les États-Unis eux-mêmes.
Certes, rien de tout cela n'est aisé. Le Moyen-Orient est une région dangereuse qui ne réagit pas convenablement au changement. La même chose peut être dite sur Washington à l'ère Trump. Mais quels que soient les défis qui guettent, le coût de la fin de la paralysie de Washington qui a réduit la politique iranienne de l'Amérique à un faux binaire : soit d'accepter l'accord nucléaire, soit la guerre.
Les choix pour contrer l'agression iranienne avant l'accord nucléaire étaient nombreux. Le président George W. Bush avait compris cela à la fin de son terme. Le président Obama se savait aussi au début de la sienne. Mais Obama a ensuite choisi de limiter ses options à travers l'accord nucléaire. Cela n'a pas bien servi l'Amérique. Il est temps de restaurer ces options. La disqualification et une nouvelle politique iranienne, si elles sont correctement entreprises, elles pourront remettre l'Amérique au volant après deux ans de « suivre le courant ».