Le dernier round dans le cycle infini de la violence entre Israël et la bande de Gaza s'est achevé par la surprenante victoire des relations israélo-américaines : une reprise apparente des engagements entre le président Obama et le premier ministre Netanyahu. Prodigieux surtout à un moment où leurs relations semblaient avoir chutées à leur niveau le plus bas. Il y a quelques mois seulement, Netanyahou qui lorgnait franchement la victoire de Mitt Romney sur Obama aux présidentielles, était accusé par la presse d'ingérence dans la politique américaine. Ayant défait Romney aux urnes, il semblait alors que les relations d'Obama avec Israël débouchaient dans leur phase hivernale pour une période de quatre ans.
Mais lors du récent conflit, Obama démontrait à Israël son soutien indéfectible, en s'abstenant de faire appel à la retenue. En fait, son administration ne fit aucune pression lorsque les Israéliens pulvérisaient des centaines de cibles dans la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas.
Quelle est d'après-vous la raison de ce surprenant rapprochement ? Le Soudan.
Dans la nuit du 23 octobre, quatre chasseurs israéliens riaient aux éclats en sillonnant les cieux de Khartoum, avant de bombarder l'usine d'armes de Yarmouk, appartenant au Corps de la Garde Révolutionnaire Islamique de l'Iran. Aussitôt, on apprit qu'apparemment les armes visées par les Israéliens – qualifiées de « modificateurs de jeu » par un responsable du renseignement israélien – étaient destinées au Hamas de la bande de Gaza. Le Soudan, après tout, est un carrefour de contrebande qui véhicule les armes iraniennes à travers la péninsule du Sinaï jusqu'en Egypte, puis de là au labyrinthe souterrain des tunnels du Hamas.
L'attaque présumée devenait une nécessité pour les Israéliens, mais son minutage était décidément peu commode pour Washington – moins de deux semaines avant les élections présidentielles. Elle devait aussi avoir lieu en un jour où 3500 soldats américains participaient à un exercice militaire conjoint, « Défi austère », sur le sol israélien.
Comme de coutume, Israël nia toute implication à cette attaque et les USA emboitèrent le pas – bien que de hauts fonctionnaires américains aient apparemment soufflé une esquisse sommaire avant l'attaque. L'incident du Yarmouk s'étouffa, avec une couverture médiation relativement insignifiante. Les présidentielles américaines par contre, dominaient les ondes.
Trois semaines plus tard, le Hamas faisait l'erreur de tirer des roquettes à courte portée de Gaza sur le sud d'Israël. Parallèlement, des terroristes dans la bande de Gaza lançaient un missile guidé sur une jeep israélienne. Il est fort possible, que la réaction qui s'ensuivit, n'ait jamais été envisagée par le Hamas. En un clin de œil, l'aviation israélienne déployait ses avions de chasse, ses hélicoptères et ses drones d'attaque de cibles de grande envergure tout au long de la bande de Gaza. « Opération Pilier de Défense », comme elle fut nommée peu de temps après, frappait comme l'éclair.
À première vue, la réaction israélienne paraissait au-delà de toute proportion. En ces dernières années, le Hamas et d'autres groupes de terroristes de la bande de Gaza avaient tiré des milliers de roquettes sur Israël, sans ne provoquer toutefois qu'une seule riposte à grande échelle : Opération Plomb durci, fin 2008 début 2009. Depuis, le tir d'une roquette de Gaza n'entrainait en retour, que le tir d'un ou deux missiles israéliens. Parfois, les Israéliens ne prenaient même pas la peine de riposter.
De toute évidence, le service des renseignements avait révélé l'alarmante existence de missiles Fajrs dans la bande de Gaza contraignant cette fois-ci les Israéliens à mobiliser leur armée – Il ne s'agissait plus d'une poignée de roquettes à courte portée. Les Israéliens semblaient être au courant qu'une série de ces fusées « modificateurs de jeu » de l'usine de l'IRGC de Yarmouk avait fait son chemin vers Gaza. C'était nul doute une ligne rouge qu'ils ne pouvaient ignorer : les roquettes Fajr-5 connues par leur puissante charge, ont une portée qui peut facilement atteindre les plus grandes villes d'Israël, plaçant des millions de civils dans la ligne de mire.
Pour Israël, le déclenchement de l'Opération Pilier de Défense ne visait ni le tir de terroristes ingénieux comme Ahmed Jabari ni à faire sauter les quartiers généraux du Hamas. C'étaient pour lui des objectifs auxiliaires. Ce round d'hostilités était en fait, une expédition de chasse des Fajr-5.
Alors que les forces aériennes israéliennes frappaient méthodiquement ces dépôts de fusées, l'un après l'autre, le Hamas réalisait soudain que c'était soit les « employer ou les perdre». Il commença, épaulé par le Jihad islamique palestinien – à tirer son arsenal d'armes fourni par l'Iran. Les Fajrs fonçaient à une distance de quelques 50 milles de Gaza pour seulement entrer en collision dans les cieux de Tel-Aviv avec le Dôme de Fer, système anti-missile développé conjointement par les USA et Israël.
Les Israéliens revendiquaient la destruction du stock de Fajr-5 entier ou en grande partie durant les premiers jours des combats. Ce ne fut qu'après l'anéantissement de la majorité des fusées par Israël, que la Secrétaire d'état Hillary Clinton initiait l'effort d'inciter le président égyptien Mohammed Morsi à amorcer des négociations pour un cessez-le-feu.
En d'autres termes, l'opération Pilier de Défense portait en elle les signes indubitables d'une coordination étroite entre Netanyahou et Obama. Et tandis que la maison blanche ne pouvait l'admettre publiquement, Netanyahu semblait avoir fait de son mieux pour s'assurer que les opérations militaires israéliennes n'entravent en rien les votes pour la réélection d'Obama.
Il est tout à fait possible que Netanyahu ait remis à une date ultérieure la destruction des Fajr-5 jusqu'après les élections américaines, au péril même de sa propre population.
Obama et Netanyahu pourraient bien entendu, soutenir des opinions divergentes et ne pas s'entendre sur le « quand et comment » attaquer les sites nucléaires iraniens. Il se pourrait même qu'avant cela, Obama exige des israéliens une faveur en retour, comme celle d'un gel des implantations, ou même pousser Netanyahu à pardonner l'unilatérale théâtralité de Mahmoud Abbas, chef du PLO, à l'ONU.
Mais, pour l'instant, le Pilier de Défense a engendré une compréhension nouvelle et surprenante entre les deux dirigeants d'état qui avaient eu du mal à se trouver un terrain d'entente. Et c'est là, la victoire des relations entre les États-Unis et Israël.