Recep Tayyip Erdogan, Premier ministre turc, est venu à Washington DC pour un sommet très attendu avec le président Barack Obama. A l'heure de sa visite affluaient des rapports concernant l'usage d'armes chimiques en Syrie et une attaque contre une ville frontalière turque par des présumés agents syriens – entravant tout entretien sur d'autres sujets courants, hormis l'actuelle guerre civile syrienne.
Mais certains membres du Congrès cherchent à attirer l'attention sur un problème moins évident. Le mois dernier, un groupe bipartisan de 47 membres du Congrès avait dépêché une lettre aux secrétaires John Kerry et Jack Lew, réclamant des éclaircissements sur les transactions financières entre la Turquie et l'Iran. Sous l'initiative du représentant républicain Jeff Duncan de la Caroline du Sud, la lettre exprimait de profondes inquiétudes sur les transactions d'or de la Turquie qui aident l'Iran à contourner les sanctions occidentales visant à restreindre le programme nucléaire illicite de Téhéran.
En Février 2012, le journal Wall Street rapportait que la Halkbank, banque d'Etat turque, traitait des « paiements de tiers pour des produits iraniens ». Cela incluait des « paiements pour les raffineurs indiens incapables de régler leurs achats par le truchement de leur propre système bancaire pour le pétrole importé, craignant des représailles de Washington ».
Par ailleurs, le Journal indiquait également que la banque turque était responsable de nombreuses opérations comme « gaz-pour-or » de la Turquie avec l'Iran en dépit d'un décret publié par l'administration Obama interdisant les paiements en or en faveur du gouvernement iranien. Comme l'admettait franchement Ali Babacan, vice-président turc, « les exportations d'or [en Iran] sont en fin de compte les paiements pour des achats turcs de gaz naturel ».
Le système est simple. Comme le note Reuters, la Turquie achète en livres turques du gaz naturel iranien. Le paiement s'effectue par ses comptes à Halkbank. Les intermédiaires financiers iraniens en or utilisent les fonds accumulés par les ventes iraniennes pour acheter l'or en Turquie, qu'ils transfèrent ensuite dans des malles à Dubaï, et vendent par la suite contre des devises étrangères afin de renflouer les faibles réserves de monnaies étrangères de Téhéran.
Fait remarquable - c'est légal sous le régime de sanctions actuel, tant que l'administration d'Obama n'a aucune preuve que les paiements d'or turc étaient effectués au gouvernement iranien (qui peine à faire croire au public turc qu'il vend son or en échange de l'énergie iranienne).
Pour colmater cette brèche, l'administration d'Obama mit en place le 13 Janvier 2013, une nouvelle législation, imposant une interdiction générale sur toutes les ventes d'or à l'Iran. L'Administration a toutefois demandé, que ces sanctions ne prennent effet qu'après six mois, accordant ainsi à la Turquie et à d'autres pays, une exemption de six mois des sévères sanctions sur l'or – Rappelons ici que l'échéance est le 1er Juillet 2013.
Avec la fenêtre toujours grande ouverte, selon la presse iranienne TV Iran, la Turquie et l'Iran auraient conclu une affaire de 120 millions de dollars en or dans les jours qui suivirent l'annonce de cette nouvelle loi. Selon le journal Hurriet, les exportations d'or de la Turquie vers l'Iran ont doublé en Mars, totalisant quelques 381 millions de dollars. Selon un rapport publié par la Fondation pour la Défense des Démocraties et Roubini Global « la brèche iranienne de l'or » à permis à l'Iran de recevoir plus de 6 milliards de dollars depuis le 30 Juillet 2012, alors que l'administration aurait pu commencer l'interdiction de la vente d'or turc. Au cours du premier trimestre de 2013 seulement, l'Iran a reçu 1,3 milliard de dollars en paiements en or, directement de la Turquie, ou par le truchement des Émirats arabes unis.
La Turquie, en d'autres termes, a exploité le commerce de l'or avec l'Iran pour tout ce qui valait la peine. Ce n'est que récemment que le ministre de l'Economie turc Zafer Caglayan a fait allusion à une éventuelle « baisse de la demande d'or » de l'Iran.
Mais la bravade de l'activité du financement illicite de la Turquie ne s'arrête pas là, pour autant que les législateurs sont concernés. La lettre du mois dernier exprimait également son inquiétude au sujet du soutien d'Erdogan du Hamas, groupe terroriste parrainé par l'Iran. La Turquie est désormais considérée comme l'un des patrons primaires de la faction violente palestinienne. Un rapport non confirmé émis à la fin de 2011 suggérait que le gouvernement d'Erdoğan aurait envoyé «300 millions de dollars au Hamas à Gaza ». Que cet argent soit remis ou non, d'autres devises turques affluent pour les hôpitaux, les mosquées et les écoles dans la bande de Gaza. La Turquie est également le foyer de l'étoile grimpante du Hamas Saleh Al-Aruri, qui affirme être en charge des opérations du Hamas en Cisjordanie.
Suite au voyage d'Erdogan à Washington, le leader turc est susceptible de venir en visite à Gaza et rencontrer le Hamas. S'il suit son programme, il sera le deuxième chef d'Etat à visiter l'enclave palestinienne dirigée par le Hamas.
Le Secrétaire d'Etat John Kerry s'oppose ouvertement à la visite d'Erdogan à Gaza, et doit fournir une réponse à la lettre du Congrès qui demande « des éclaircissements sur l'efficacité turque de maintenir les sanctions contre l'Iran et d'empêcher le financement des organisations terroristes ».