La reprise du Yémen par les Houtis le mois dernier, porte un coup fatal à la stratégie de la lutte contre le terrorisme de Washington, qui comptait le Yémen comme l'un des rares points lumineux dans un Moyen-Orient chaotique. Accumulant insulte sur insulte, Washington avait fermé son ambassade au début du mois, abandonnant aux Houthis tous les véhicules de l'ambassade américaine qui stationnaient à l'aéroport de Sanaa, et permettant du même coup la confiscation des armes des Marines américaines sortantes.
Les Houthis ne sont pas susceptibles de bénéficier d'une poignée de fusils M-16, surtout dans un pays lourdement armé qui a servi depuis longtemps comme marché d'armes de la région. Mais avec la chute du gouvernement, les Houthis ont aussi hérité de 24 millions de dollars en armes que Washington avait transférés au Yémen depuis 2004. Grâce au programme de « formation et d'équipement » du Département de la Défense, les États-Unis ont également fourni plus de 400 millions de dollars en matériel et fournitures à la force aérienne du Yémen - opération spéciale, contrôle des frontières et garde côtière. Comme le souligne le service de recherche du Congrès, ces «fonds ont soutenu l'acquisition d'avions de surveillance et de transport pour la Force aérienne yéménite ».
Ce n'est guère la première fois que Washington perd des investissements militaires destinés à un allié au Moyen-Orient pour les voir s'acheminer vers les mains de forces hostiles. Ni n'est-ce la première fois que l'Amérique mise sur un gouvernement faible ou autocratique dont la chute n'est qu'une question de temps.
Considérez l'investissement de Washington dans l'Autorité palestinienne qui avait prématurément explosé en 2007, lorsque le groupe terroriste Hamas avait envahi la bande de Gaza par force. Le Hamas s'était emparé du complexe de la sécurité de l'Autorité palestinienne qui abritait à la fois l'intelligence de l'Autorité palestinienne et l'infrastructure militaire. C'était l'infrastructure que le États-Unis avaient aidé à créer. Après la capture du quartier, le Hamas avait affirmé qu'il « avait mis la main sur des milliers de fichiers, des enregistrements informatiques, des vidéos, des photographies et des enregistrements audio contenant des informations de renseignements précieux et potentiellement embarrassants recueillies par le Fatah ». Washington craignait que le Hamas n'ait obtenu l'accès à l'importante technologie d'espionnage, ainsi qu'aux armes que les USA avaient achetées des partenaires arabes (dont l'Égypte) pour qu'ils les fournissent à l'Autorité palestinienne.
Cet œil au beurre noir de la politique américaine pâlit en comparaison à la perte de l'Iran en 1979. En prélude à la révolution, l'assistance américaine du Shah mettait à sa portée « la possibilité de devenir la cinquième force du monde en 1978 ». Puis, comme le fait remarquer Stephen McGlinchey, « le plus grand déploiement d'armes américaines dans un seul pays est tombé entre les mains de foules en colère qui hurlaient « mort à l'Amérique et à Israël ». L'unique consolation, venait du fait qu'un an plus tard, ces armes avaient été déployées contre l'armée irakienne de Saddam Hussein dans la guerre Iran-Irak.
Le pari le plus mauvais des USA était apparemment celui adopté récemment en Irak. Plus de 2 milliards de dollars en armes au cours de la dernière décennie, et 300 millions de dollars en 2014 conçus pour aider l'Irak à se défendre après la malheureuse invasion US qui avait renversé Saddam Hussein en 2003. Lorsque l'État islamique (IS) avait pris possession des bandes de terrain en Irak et en Syrie en 2014, en particulier lors de leur prise de contrôle de Mossoul, il s'était emparé des « magasins d'armes de la 2e et 3e [armée irakienne] de la division de Mossoul, la 4ème division de Salah al Din, la 12e division dans les zones proches de Kirkouk, et une autre division à Diyala », tous avaient été fournis par les États-Unis. L'ISIS a également saisi 52 batteries d'artillerie américaines de l'armée irakienne en Juillet 2014 ; chacune coûte jusqu'à $ 500,000.
Une grande partie de l'armement saisi par l'IS a depuis été bombardé par des raids aériens de la coalition. Mais l'arsenal a indéniablement aidé l'ISIS à élargir son empreinte à travers la Syrie et l'Irak.
Entre temps, d'autres armes américaines continuent à faire leur chemin vers les forces armées iraquiennes entre les mains de milices chiites sous le contrôle du Corps des gardiens de l'Iran (CGR), de la révolution islamique, désignée aux USA comme entité terroriste.
La perte de l'investissement militaire américain en Irak reflète des fautes directes sur au moins deux niveaux. En premier lieu, l'intervention de 2003 avait été mal planifiée nécessitant d'énormes investissements bien au-delà de ce que les planificateurs de la guerre pouvaient prévoir. Le retrait prématuré de l'Amérique sans un plan viable pour protéger l'investissement considérable de plus de $2000,000,000,000 permettant à l'Iran de resserrer son emprise sur le pays, est ce qui envenima les choses.
Les leçons tirées de la perte de matériel au Yémen, l'Autorité palestinienne, l'Iran et l'Irak attestent que Washington n'en a tiré aucune une leçon. Il est dangereux de placer des armes et l'intelligence américaines entre les mains de régimes autocratiques ou des gouvernements faibles au Moyen-Orient qui manquent d'infrastructure ou de légitimité de gouverner. Il est encore plus dangereux de se retirer avant d'être certains que ces gouvernements ont la capacité de protéger ce que les USA leur accordent.