Il ya dix ans aujourd'hui, le Hamas avait remporté les élections législatives palestiniennes de 2006, en s'emparant de 76 sièges d'entre les 132 sièges parlementaires (74, plus deux indépendants). La faction palestinienne, mieux connue par sa campagne d'attentats-suicides dans les années 1990, forma un nouveau gouvernement quelques deux mois plus tard, poussant le nationalisme palestinien dans une crise d'où il ne s'en sortit jamais. L'établissement de la politique étrangère de Washington ne parvient toujours pas à saisir son impact, ce qui peut expliquer son incapacité récurrente à négocier la création d'un état palestinien en paix avec Israël.
La victoire du Hamas était indéniablement un œil au beurre noir aux efforts américains de démocratiser le Moyen-Orient, comme le prévoyait George W. Bush. La faction laïque du Fatah – parti pragmatique au pouvoir dans l'Autorité Palestinienne (AP) choisi par Washington– a perdu aux élections à cause de la croissance (justifiée) de la perception du public que le parti était sclérosé et corrompu.
Cette perception est toujours scellée au parti du Fatah à ce jour. Cela n'empêcha pas Washington d'être disposé à tolérer la corruption et le déclin de légitimité du Fatah en échange à son élan à entamer des pourparlers de paix avec Israël, que le Hamas refuse de reconnaitre.
Conséquent à l'effort de Washington et d'Israël d'éloigner le Hamas du pouvoir, le Fatah empêcha la faction islamiste de former un gouvernement. Ce qui culmina peu après, en des affrontements sanglants à la fois en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Dans sa quête de reprendre le contrôle, Mahmoud Abbas, Président de l'AP, qui avait eu accès au pourvoir un an seulement après la mort soudaine de Yasser Arafat, réclamait des élections précoces.
Le Hamas se hérissa, accusant Abbas de lancer un coup d'état contre son gouvernement élu démocratiquement. Aussitôt, le groupe islamiste déclencha une chaîne d'enlèvements de personnalités du Fatah et l'AP. Selon une ONG, « les membres tiraient sur les organes du corps afin d'en faire des handicapés physiques permanents» et, dans certains cas, « les adversaires politiques du Hamas recevaient une balle à bout portant dans la tête ».
Dans une tentative d'arrêter les combats, feu le roi Abdallah d'Arabie Saoudite invita les deux factions à la Mecque pour un dialogue. Après trois jours, les parties parvinrent à une compréhension, menant à l'Accord de la Mecque du 8 février, 2007. Les deux parties s'étaient mises d'accord de créer un gouvernement d'unité nationale, ce qui n'empêcha pas la violence d'éclater rapidement à nouveau dans les rues palestiniennes. L'inimitié était tout simplement trop profonde.
L'anarchie se poursuivit au cours du printemps, culminant inexorablement à l'offensive militaire du Hamas à Gaza, débutant le 7 Juin, 2007. S'ensuivit alors une guerre intense de six jours qui consolida le Hamas fermement au contrôle dans la Bande de Gaza. Les forces de l'AP, qui avaient été formées et armées par les États-Unis, avaient lamentablement échoué. Certains avaient déserté alors que d'autres s'étaient joints au Hamas. Selon des informations crédibles, les tactiques du Hamas étaient tout à fait violentes, comprenant des exécutions sommaires, propulsant des membres de la faction du Fatah du haut de gratte-ciel à leur mort. Tout compte fait, cette conflagration avait coûté la vie de 161 Palestiniens. Au moins 700 avaient été blessés.
Dix ans après, le conflit intra-palestinien demeure une aveuglante souillure au sein des décideurs occidentaux. L'inimitié entre les deux factions conteste les affirmations de longue date d'une identité nationale palestinienne unifiée. La bataille pour la suprématie palestinienne injecte également de nouvelles complexités dans le conflit israélo-palestinien. Le conflit, en fait, est maintenant à trois voies de gagne-terrain entre Israël, la Cisjordanie et Gaza, où toute démarche de quiconque peut influer le délicat équilibre entre les trois.
Après une décennie d'échecs d'efforts de réconciliation et de gouvernements d'unité défaillants, il semble en 2015, que le conflit intra-palestinien est intraitable. La bande de Gaza reste fermement entre les mains du Hamas, tandis que le Fatah se cramponne à la Cisjordanie avec l'aide de la sécurité et des renseignements israéliens. Il y a deux gouvernements distincts palestiniens avec leurs propres bureaucraties, deux ensembles de cadres d'élites politiques, deux économies distinctes, et plus de deux cultures différentes.
Néanmoins, Washington continue de demander un état palestinien unique. Cet appel est repris par la plupart des capitales occidentales. L'hypothèse dominante est qu'une habile diplomatie couplée de concessions territoriales israéliennes pourrait ouvrir la voie à l'Autorité Palestinienne - impopulaire et corrompue que cela puisse être - pour qu'elle reprenne du terrain moralement et militairement dans la Bande de Gaza du Hamas, et en quelque sorte, la ramener sous sa juridiction. Ces plans restent vagues, pour dire le moins.
Il est tout aussi difficile de discerner la logique derrière la conviction de longue date de Washington qui différencie les extrémistes islamistes dans les territoires palestiniens de leurs homologues ailleurs dans la région, à savoir que l'idéologie extrémiste du Hamas est principalement une réaction instinctive contre Israël. Alors que cela peut expliquer une grande partie les motivations du Hamas, nul ne peut ignorer le fait que le groupe islamiste continue à entrer en conflit avec le Fatah sur des questions plus grandes, dont le rôle de l'islam dans la société et la validité de la gouvernance laïque. En effet, ces débats reflètent le bouleversement auquel nous avons assisté lors de l'éruption du printemps arabe au Moyen-Orient depuis 2011.
Le quasi-effondrement du système postcolonial depuis le printemps arabe a contesté la quasi-totalité de nos hypothèses sur la façon de mettre de l'ordre dans le chaos du Moyen-Orient. Pourtant, le besoin perçu de créer un état palestinien unique couvrant la Cisjordanie et la bande de Gaza perdure. Dix ans plus tard, les Palestiniens restent divisés-idéologiquement et territorialement. Il est peut être temps de reconnaître que s'ils ne peuvent pas résoudre pacifiquement leur conflit territorial, ils ne sont certainement pas de nature à résoudre un avec Israël.