Les dirigeants israéliens ne sont pas particulièrement friands des initiatives multilatérales. Celles provenant de l'Organisation des Nations Unies sont notoires pour leurs mesures unilatérales qui distinguent Israël, alors que celles qui expriment une vision pour la paix au Moyen-Orient réclament en général des concessions unilatérales de territoriales israéliennes.
Mais l'initiative de la Chine d'une ceinture One Road semble être une exception notable. Il ne s'agit pas là d'un plan de paix. C'est au contraire, une vision économique qui relie la Chine à ses voisins musulmans en Eurasie et s'étend même vers le Moyen-Orient et Israël.
Durant un récent voyage en Chine, mes interlocuteurs me rapportaient que Jérusalem et Pékin discutent activement des projets communs « Ceinture et route ». D'entre ces projets, un chemin de fer reliant Eilat à Ashdod. La ligne ferroviaire proposée serait une alternative claire au canal de Suez égyptien.
Israël et la Chine se méfient d'invoquer la colère de leurs alliés égyptiens, et sont susceptibles de saboter le projet. Mais même d'autres projets moins controversés peuvent se révéler difficiles à entreprendre aux deux pays.
Alors que l'année prochaine marque 25 ans de relations bilatérales entre les deux pays et que les responsables chinois se ruent sans réserve sur les innovations israéliennes en technologie et armement moderne, les Chinois trébuchent sur leurs engagements idéologiques. En tant que pays communiste voué à une vision non-alignée de la justice sociale mondiale, Pékin est préoccupé par l'idée d'être perçu comme trop pro-israélien aux dépens des Palestiniens.
Les fonctionnaires à Beijing reconnaissent qu'une résolution du conflit israélo-palestinien ne verra pas tantôt le jour. Et certains disent que l'engagement de la Chine aux Palestiniens ne devrait en aucun cas se faire au détriment d'autres relations.
C'est en effet apparemment l'avis grossissant de certains états arabes sunnites. Alors, pourquoi la Chine ne les imiterait-elle pas ? Mais les responsables chinois soulèvent également des préoccupations au sujet de la force durable des relations américano-israéliennes, qu'ils considèrent comme un obstacle à leur propre relation avec Israël. Ils comprennent que la base des liens USA-Israël est une des valeurs que la Chine aura beaucoup de mal à émuler.
Les Chinois se souviennent aussi bien de la pression imposée à Israël par Washington en l'an 2000 afin d'annuler la vente du SystèmePhalcon de détection et de commandement aéroporté à la Chine. L'annulation a été un coup dur aux plans militaires chinois. En effet, l'achat de plusieurs de ces systèmes aurait permis à la Chine d'entraver de manière significative le trafic aérien et maritime dans le détroit de Taiwan.
La frustration chinoise s'est accrue en 2005, lorsque les États-Unis ont fait pression sur Israël pour ne pas vendre des pièces de rechange pour drones Harpy à la Chine, qu'Israël lui avait vendus en 1994. Washington a également signé un protocole d'accord avec Israël qui octroie aux États-Unis la possibilité de veto des ventes militaires israéliennes à Pékin.
La disparition du spectre des ventes d'armes a néanmoins développé les liens sécuritaires Chino-israéliens. Et effectivement, la relation bilatérale a transcendé les liens transactionnels caractérisant un grand nombre de relations extérieures chinoises. En 2007, le Premier ministre Ehud Olmert a visité la Chine, où il eut l'occasion de discuter avec le président Hu Jintao d'un large éventail de questions sécuritaires, dont les ambitions nucléaires iraniennes se rapportant à la stabilité internationale.
Ce qui permit l'arrivée de délégations chinoises de haut niveau à Israël et une réciprocité israélienne. Les délégations militaires sont maintenant un élément régulier dans les relations bilatérales, avec des échanges reflétant des domaines de plus en plus spécialisés, dont la formation de la marine et de la police.
À l'heure actuelle, au sein des préoccupations israéliennes au sujet d'un Moyen-Orient post-américain, ponctuées par l'accord nucléaire iranien très controversé et les guêtres récurrentes avec l'administration d'Obama sur les politiques d'implantations d'Israël, il n'est plus un secret qu'Israël est à la recherche de nouveaux alliés. La puissance croissante de la campagne BDS - Boycott, Désinvestissement et Sanctions- visant à isoler Israël économiquement a incité l'État juif à chercher de nouveaux marchés. Une chorale croissante en Israël estime que la Chine serait une bonne alternative.
Ce serait au mieux, un mariage de convenance. Le soutien de Pékin à l'Iran pour atteindre l'arme nucléaire, son soutien au régime d'Assad en dépit du massacre en Syrie, ainsi que le récent ciblage de la petite population juive de Chine, augurent mal toute coopération stratégique. Le style de gouvernance anti-démocratique de la Chine est profondément en désaccord avec la démocratie vibrante d'Israël. Et nous venons de nommer ici que quelques exemples de défis.
En d'autres termes, une alliance à long terme entre la Chine et Israël est improductive. Les liens se poursuivront certainement aux niveaux actuels, et peuvent même devenir plus chaleureux dans certaines régions.
Mais les prédictions d'une nouvelle relation spéciale qui supplanterait celle d'Israël et les États-Unis sont très prématurées. Pour le dire d'une autre manière : Se méfier du plafond de soie.