Un vilain conflit intestinal a éclaté dans le golfe d'Arabie. Dirigé par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU), un groupe d'États arabes a ciblé le petit émirat du Qatar l'accusant de soutenir un large éventail de groupes terroristes et de fomenter des troubles régionaux suite au parrainage des Frères musulmans. Les adversaires du Qatar ont rompu leurs relations diplomatiques et les États voisins ont de même, adoptant la mesure extraordinaire de couper les routes aériennes, terrestres et maritimes vers le Qatar.
Nantis maintenant d'avocats, les deux parties mènent leur conflit à Washington. C'est le choc de l'argent du Golfe. Le Qatar est indéniablement un problème. Le pays est un havre pour le Hamas, les Talibans, les Djihadistes Syriens et pire encore. Mais toute l'affaire est un spectacle étrange. Les autres États du Golfe n'ont toujours pas abordé (avec entrain) leurs propres problèmes concernant leur financement du terrorisme. L'Arabie saoudite, par exemple, reste le principal exportateur de l'idéologie extrémiste wahhabite, alors que le très particulièrement riche Koweït, un pays qui finance les dirigeants officiels du terrorisme, systématiquement désigné, agit en qualité de médiateur.
Mais la prise de bec du golfe brille également sur un autre aspect majeur : L'approche permissive et confuse de Washington en politique étrangère dans le Golfe.
D'un côté, il y a simplement trop d'argent du Golfe à Washington. Les Qataris ont investi des sommes mirobolantes dans des groupes de réflexion et des universités, sans compter les lobbyistes et les autres influents, et ils ne sont pas les seuls. L'Arabie saoudite, les EAU et d'autres sont également des acteurs majeurs dans ce jeu. Le résultat final est que ceux qui se nourrissent de cet abreuvoir ne peuvent pas s'engager dans une conversation honnête sur les politiques et les agissements de leurs bienfaiteurs - même lorsque ces agissements vont à l'encontre des intérêts des États-Unis.
Des années durant, mon groupe de réflexion, la Fondation pour la Défense des Démocraties (FDD), a suivi de près le soutien tacite et ouvert du Qatar aux groupes terroristes, ainsi que les déficiences saoudienne et koweïtienne. Nous avons trouvé difficile de publier notre analyse, ou même de mener un débat, parce que très souvent le sujet est une responsabilité (politiquement ou financièrement) pour certaines publications et autres établissements autour de la ville.
Lorsque nous avons tenu le 23 mai une conférence importante à Washington pour répondre au défi qatari, nous avons récolté des hurlements de désapprobation de certains de nos contemporains, pointant du doigt le Qatar (à notre grande surprise, l'ambassadeur américain sortant à Doha était parmi eux). Je ne me souviens pas d'une réponse similaire aux conférences qui mettent à l'écart d'autres pays (Israël vient tout de suite à l'esprit), surtout lorsque les intérêts américains sont clairs.
Quelques jours après notre conférence, les courriels de l'ambassadeur des Émirats arabes unis à Washington ont été piratés. Par qui ? On ne peut seulement que spéculer. Il ne s'agissait que de quelques échanges de courrier électronique entre deux de mes collègues du FDD et l'ambassadeur que certains médias ont jugés pertinents. L'implication était que le FDD entrait en quelque sorte dans une entente avec les Émirats arabes unis, ou recevait même des fonds du pays.
Je dois noter ici que nous sommes parmi les quelques groupes de réflexion en politique étrangère à Washington DC qui ne prélèvent pas de fonds d'un gouvernement étranger. Le fait qu'Al-Jazeera qatari ait proposé ce faux récit était particulièrement malhonnête, étant donné que les Qataris ont beaucoup de salariés à Washington sur leurs fichiers.
Cet achat en gros d'électeurs à Washington a entraîné un défi encore plus grave : L'acceptation d'un statu quo insoutenable.
Au fur et à mesure que l'argent du Golfe pénètre, les décideurs politiques abandonnent tout simplement les violations des droits de l'homme, les déficits de la démocratie et les défis liés au financement du terrorisme associés à cette région trouble. Ce n'est nulle part aussi flagrant qu'avec le Qatar.
Le fait que le Qatar héberge une importante base aérienne américaine qui se trouve à une courte distance en voiture du quartier général du Hamas ou des Taliban est tout simplement insoutenable. Notre arrangement avec le Qatar porte atteinte à la guerre idéologique que nous menons d'al-Udeid.
Les partisans du Qatar - à la fois ceux de la masse salariale et ceux qui ne le sont pas - insistent sur le fait que les terroristes soient désignés au Qatar, de sorte que les diplomates américains puissent bénéficier d'un canal de communication non officiel. Je n'ai pas encore vu une analyse produite par le gouvernement américain qui me convainc des avantages. En tout cas, notre tolérance à l'égard de cette dynamique ne sert qu'à légitimer ces groupes terroristes. Je pense que c'est l'objectif du Qatar.
En attendant, le personnel de l'ambassade de Doha, même en défendant cette dynamique dangereuse, ne parvient pas à produire une liste d'individus désignés par le Trésor comme terroristes, qui ont été arrêtés ou autrement traduits en justice par le gouvernement qatarien.
Le président Donald Trump et le secrétaire d'État Rex Tillerson ont délibéré deux fois sur la prise de bec du Golfe, promettant d'engendrer un atterrissage doux par lequel le blocage du Qatar s'accélère et le problème du parrainage de terroristes au Qatar soit abordé. Ce serait une résolution opportune, en particulier à la lumière du désir de la Russie et de l'Iran d'exploiter le chaos.
Mais à un moment où la politique d'« assécher le marais » à Washington est un refrain populaire, une opportunité existe aussi à la Maison-Blanche et au Congrès de se pencher sur la manière dont les fonds de l'État du Golfe influencent notre politique étrangère de manière dangereuse. Le choc du Cash du Gulf se poursuit, et rien n'est plus bourbeux que lui.