Le coup d'État manqué en Turquie va remettre à plus tard la lutte globale contre l'État islamique.
Une chose est certaine, la confiance entre Ankara et Washington est à son niveau le plus bas. Un ministre turc a même accusé les États-Unis d'être derrière la tentative du coup d'État lors d'une émission télévisée. Le Département d'État a riposté en déclarant que, « l'affirmation de tout rôle des États-Unis dans la tentative de coup d'État manqué est complètement fausse et nuisible à nos relations bilatérales ».
L'usage de la base aérienne d'Incirlik par les américains - atout militaire essentiel aux États-Unis et à l'OTAN en Turquie - est à présent mis en doute aussi. Le samedi dernier, le gouvernement turc a coupé l'alimentation électrique et fermé l'espace aérien, contraignant les opérations contre l'État islamique à une halte forcée. Les opérations ont repris, mais le président Recep Tayyip Erdogan peut toujours essayer d'utiliser la base comme une puce de négociation pour exiger l'extradition de son rival Fetullah Gulen de l'Amérique, résidant en Pennsylvanie rurale depuis 1999.
L'Accès à Incirlik n'a pas été une acquisition aisée en premier lieu. La coalition n'a été seulement en mesure d'y mener ses frappes contre l'État islamique que depuis le mois d'Août dernier. Ce ne fut possible que lorsque la Turquie, alliée limitrophe de l'OTAN au territoire de l'État islamique, a aussi finalement entamé une action militaire directe contre le groupe terroriste. Mais même maintenant, la Turquie reste quelque peu limitée dans sa contribution aux opérations militaires.
En vérité, la Turquie ne s'est jamais pleinement engagée à la lutte contre l'État islamique. Le gouvernement d'Erdogan ambitionnait plus ardemment le renversement du régime d'Assad en Syrie. Cette position est compréhensible, étant donné les atrocités commises par Assad (Erdogan n'est surement meilleur). Mais, ce qui est inexcusable est la décision de la Turquie de permettre aux combattants islamistes désireux de se joindre à la mêlée d'exploiter sa frontière sud-est. L'État islamique en a indéniablement bénéficié.
Le gouvernement turc est aussi ambivalent au sujet de la lutte contre l'État islamique parce qu'il place effectivement la Turquie dans le même camp que les factions séparatistes kurdes syriennes qu'il cherche à détruire. Pour plus de précision, les Turcs ont ouvertement menacé d'une action militaire le YPG, une ramification du parti de l'Union démocratique kurde (PYD), qui est l'une des forces les plus efficaces dans la guerre contre l'État islamique.
La guerre d'Erdogan contre les Kurdes s'est aggravée (certains pensent qu'il l'a intentionnellement causé dans le but de gain politique), au détriment de la guerre contre l'État islamique. Au cours des dernières semaines, il semblait que la Turquie était prête à gondoler, en particulier après l'attaque des terroristes de l'aéroport d'Istanbul. Mais ce fut éphémère. La tentative du coup d'État de vendredi soir servira sans doute de motif à Ankara pour une autre longue bataille : La purge des ennemis au sein du pays.